10 décembre 2006

Amely-James Koh-Bela et la prostitution

Bonjour,

Ce mercredi, je regardais
Les Francs-tireurs à Télé-Québec (rediffusion dimanche 20h, mardi 0h30, HE). On y présentait un dossier de deux reportages sur la prostitution à Paris. Si le second reportage portait sur un prostitué travesti qui avait choisi ce travail et en réclamait la reconnaissance, le premier était consacré à la prostitution des jeunes africaines dans le 18e arrondissement. Amely-James Koh-Bela a écrit le livre Prostitution africaine en Occident.

Pour les besoins de ce premier reportage, Patrick Lagacé était guidé dans cet enfer par Amely-James Koh-Bela (A-J K-B), travailleuse de rue depuis une douzaine d’années auprès des jeunes prostituées africaines à Paris. Le témoignage de cette femme était à faire dresser les cheveux sur la tête. Comme tout un chacun, j’avais entendu parler de pratiques sexuelles déviantes telles la zoophilie, la scatologie et d’autres du même acabit. Peut-être suis-je bien naïf, mais j’avais toujours perçu ces pratiques d’un point de vu purement intellectuel, comme éthéré, comme des curiosités perverses n’existant pas dans la réalité.

A-J K-B témoigne de cas concrets de personnes qu’elle a connues que l’on a droguées, rompues pour qu’elles cèdent devant ces déviances. De personnes qui se sont retrouvées dans ces situations avilissantes à leur corps défendant puisqu’on les « louaient » ou les « vendaient » et des conséquences que ces pratiques ont eues sur certaines. A-J K-B livre un témoignage bouleversant sur les dessous de la prostitution des jeunes filles africaines en Europe, particulièrement en France. À plusieurs reprises on la sent émue, avec des boules dans la gorge qui l’empêchent de tout dire. Douze ans d’enquête et d’interventions auprès des jeunes filles prises dans cet enfer n’auront pas suffi à la blinder, à la blaser, à la faire revenir de tout, à lui faire confondre l’horreur dans laquelle vivent ces filles avec les tourments de leur vie ordinaire.

Le témoignage de A-J K-B est plus que saisissant et dérangeant. Il est simplement scandalisant! Et je ne pense pas que ce soit seulement ma petite sensibilité d’occidental douillet qui soit en cause. Comment justifier, dans quelque culture que ce soit, quel que soit le degré de pauvreté dans lequel croupit un pays, une province, une ville, un village, une paroisse, une famille, que ce trafic d’enfants soit non seulement toléré, mais encore encouragé, voire souvent organisé par les familles et dirigé par les mères elles-mêmes? « La famille c’est le plus grand proxénète en Afrique (…) On est dans la filière africaine, le premier proxénète c’est le père, la mère, le frère, le mari » A-J K-B soutien que les revenus générés par la prostitution des jeunes africaines en Europe sont expédiés en Afrique où elles sont reconnues et adulées pour les revenus qu’elles fournissent à leur famille. En revanche, elle constate aussi que plusieurs matrones vivent du
RMI (Revenu minimum d'insertion) en France, donc très modestement, alors qu’en Afrique, avec les revenus de la prostitution, elles mènent des trains de vie de nababs, 4X4, maison, piscine…

La prostitution, sous quelque forme que ce soit, dès qu’elle n’est pas souhaitée (voir le second reportage des Francs-tireurs) est une horreur. C’est une abomination pour tous ceux qui sont impliqués de près ou de loin dans ce trafic. Qu’elle se passe en Europe, en Amérique, dans les pays asiatiques promouvant le tourisme sexuel ou en Afrique dans des bordels où le VIH se transmet aussi couramment qu’un simple rhume, elle fait des victimes… la plupart du temps innocentes. Innocentes à plus d’un titre. On les aura vendues en bas âge, on les aura enlevées, on aura abusé de leur crédulité et de leur naïveté ou on aura trompé leurs parents, et j’en passe. J’en passe tout simplement parce que je manque d’imagination pour rivaliser avec ces trop habiles trafiquants.

D’après ce que j’ai compris de l’entrevue de A-J K-B, les exigences des clients ne connaissent pas de limites. Toutes les exigences abusives ne peuvent être adressées qu’à des prostitués (j’utilise ici le masculin générique parce que cela inclus la prostitution masculine) qui ne sont pas libres de leurs décisions et de leurs actes. Tant qu’un prostitué contrôle le genre de relations qu’il ou elle veut bien accepter dans sa pratique, on peut considérer qu’il dispose également d’une liberté suffisante pour mettre fin à ce commerce et, par conséquent, qu’il le pratique avec une certaine liberté. Mais le problème fondamental avec la prostitution survient quand une personne ne contrôle plus le genre de relations qui lui paraissent acceptables, ne contrôle plus la fréquence de ces relations, ne contrôle plus sa vie parce que tombée dans un état d’esclavage (propriété d’un proxénète ou d’un réseau qui détient un droit de vie ou de mort, de préservation, d’aliénation ou de cession, au sens économique, de contrôle sur tous les aspects de la vie : physique, morale, intellectuelle… droits dont ils ne sont redevables devant personne).

A-J K-B parle de ce qu’elle connaît bien, la prostitution des jeunes africaines à Paris. Comme il serait rassurant de se dire que ce n’est qu’un problème local. Mais toute personne ayant le moindre soupçon de bonne foi ne peut se leurrer ainsi. Le problème des jeunes prostituées africaines à Paris a été soulevé par A-J K-B. Ce problème se répète partout, par toutes les grandes villes du monde; tantôt avec de jeunes filles africaines, tantôt avec de jeunes filles d’Europe de l’Est, tantôt avec de jeunes filles de l’Asie du Sud-est, tantôt avec de jeunes caribéennes, etc.

Cet immonde trafic est aussi avilissant pour celles qui se voient forcées de s’y soumettre que pour ceux qui en profitent : clients, proxénètes, familles complices. Personne ne gagne à perpétuer ce système esclavagiste. Si les client, proxénètes et familles complices semblent en tirer quelque bénéfice à court terme, ce n’est certes pas le cas sur une plus longue période. Avec le temps, les clients sont toujours prêts à payer plus cher pour des émotions de plus en plus fortes, en infligeant ou assistant à des humiliations, des soumissions et des avilissements de plus en plus dégradants; à y engloutir des fortunes; à y ajouter l’inévitable dépréciations, sauf complète amoralité, de leur amour propre et de leur estime d’eux-mêmes; à y risquer leur réputation, leur statut social quand ce n’est pas leur famille.

Rien ne sert ici de s’étendre sur le sort des premières victimes de ces tractations et de ces trafics. Les pertes qu’elles encourent dans ce monde immonde sont trop importantes et trop évidentes pour qu’il soit d’une quelconque utilité de s’y appesantir.

Les proxénètes s’enracinent dans un système esclavagiste clandestin. Cela les conduits à ne plus pouvoir refuser ou modérer les exigences des clients ne serait-ce que pour protéger leur « capital » parce qu’un concurrent lui offrira ce qu’il demande. Cela les conduits aussi à rechercher sans cesse de nouvelles victimes, de nouvelles esclaves à asservir et à offrir. Ils baignent dans un monde interlope qui ne fait pas de quartier et où l’espérance de vie est fortement réduite par rapport à celle de l’ensemble de la population.

Quant aux familles complices, elles doivent sacrifier un si ce n’est pas plusieurs enfants à ce commerce. Comme la vie de chacun d’eux n’a que peu ou pas de valeur entre les mains des clients et des proxénètes, ils sont souvent victimes d’overdoses, de maladies comme le sida, meurent à la suite de sévices sexuels trop importants ou par suicide à la suite de relations pouvant être considérées, selon la culture d’origine, comme des malédictions « Elle va se suicider trois semaines après. Parce que dans son pays, elle était Nigérienne et s’envoyer des animaux dans son pays, c’était une malédiction. Elle était sure que tous ses ancêtres l’avaient vu [sic] sous ses chiens, elle va se tuer pour ça […] ». Dans ces conditions, les familles complices ne perdent pas qu’un enfant, elles perdent également ce qui constituait une source de revenu importante, souvent la seule substantielle de la famille.

J’ai trouvé troublant ce reportage des Francs-tireurs et je me suis efforcé d’écrire ce texte un peu maladroit pour partager ce drame des jeunes prostituées africaines de Paris mais aussi pour tenter, avec mes maigres moyens de mettre en lumière l’évidence de ce drame qui se passe également dans notre cour et que, la plupart du temps, nous ne voulons pas voir. Je vis au Québec, au Canada, l’un des pays les plus avancés du monde semble-t-il, dans la reconnaissance et la défense des droits humains (tous nos premiers ministres font la morale aux premiers ministres et présidents chinois sur les droits humains à la première occasion venue… même après l’affaire
Maher Arar et Louise Arbour est Haut-Commissaire des Nations unies aux droits de l'homme). Nous avons l’impression d’être à l’abri de ces turpitudes et de ces ignominies. Rien n’est pourtant moins vrai. Qu’il suffise de se rappeler de « l’opération scorpion » à Québec d’il y a quelques années pour s’en convaincre. Ni les clients, ni les prostituées, ni les réseaux, ni les proxénètes n’ont disparus aujourd’hui. L’offre et la demande de ce commerce infernal subsistent, les petites annonces des journaux en témoignent encore quotidiennement.

En écrivant cette pseudo conclusion, je me fais l’impression de tenir le discours d’un puritain scrupuleux et frileux, choqué par la moindre allusion à la sexualité ou le moindre débordement à l’orthodoxie des sociétés judéo-chrétienne. Pourtant, cela ne me ressemble pas. Je n’ai rien contre les pratiques sexuelles quelles qu’elles soient, dans la mesure où elles se passent entre personnes libres de leurs actes et consentantes. Je dis personnes parce que je suis prêt à admettre qu’il ne soit pas question que d’adultes. Je crois au droit des jeunes à avoir une vie sexuelle épanouie impliquant la liberté et le consentement mutuel. Ce qui me pousse à avoir un discours qui frôle l’intégrisme puritain et le dogmatisme, c’est que les jeunes filles prostituées, de Paris ou d’ailleurs, sont réduites à l’état de marchandise par les uns et d’objets de consommation jetables après usage par les autres. Ma dignité d’humain se révolte à l’idée que d’autres humains puissent être considérés comme de simples choses.

Je me suis dit qu’à partir du moment où j’avais pris connaissance et conscience de cette réalité, je ne pouvais plus la taire. Certainement que Les Francs-tireurs auront rejoint plus de gens que moi avec leur émission et avec leur site web. Mais si je peux faire ma petite part, c’est-à-dire rejoindre et toucher ne serait-ce qu’une seule personne supplémentaire, j’aurai atteint mon but. Plus nous serons à être conscients de cette exploitation éhontée d’une part de l’humanité par une autre, plus nous serons à même d’y changer quelque chose. Je ne me sens pas l’âme missionnaire, mais si l’un ou l’une d’entre vous avait la bonne idée d’entreprendre une action quelconque pour mettre fin, diminuer, atténuer, conscientiser ou simplement faire connaître ce genre d’abus, cette personne pourrait compter sur mon appui.

3 bavardages:

Anonymous Anonyme a dit...

Mer�i d'avoir partag� ces infos et ces pens�es.

21 janvier, 2007 09:58  
Anonymous Anonyme a dit...

Tres bonnes reflections et c'est vrai, il y a une différence entre le sadisme imaginaire type Histoire d'O, de Sade.. et ce qu'on fait chaque jour aux Africainnes, que ne peut etre classifique comme rien d'autre que d'esclavage moderne...

Fatima

01 février, 2007 13:41  
Anonymous Anonyme a dit...

Attention, Koh-Bela dit beaucoup d'idioties, pour elle l' Europe est un vaste reservoir de pedophile, elle va très loin dans le délire. Exemple marquant, lors d'un reportage où elle affirmait que l' Afrique devenait la mecque du porno zoophile, reportage qui était illustré par des extraits d'un film zoophile... Bresilien. Bizarre, pourquoi ne pas avoir illustré le reportage avec un film africain ? Tout simplement parce que Koh-Bela ne fait que fantasmer des légendes urbaines !
Un site qui a des informations sérieuses sur la prostitution en France, c'est http://www.iprostitution.org

30 novembre, 2007 12:57  

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