29 octobre 2006

Bouchard, un peu plus loin

Voilà, comme promis la dernière fois, je me suis acheté le livre de Bruckner, Misère de la prospérité : La religion marchande et ses ennemis. Comme il est agréable de lire un auteur cultivé! Le petit livre de Bruckner est émaillé de citations, toujours à propos, la plupart assez courtes, de Péguy, Valéry, Nietzsche, Naomie Klein, Adam Smith, Raymond Aron et j’en passe.

Mais allons tout de go dans le vif du sujet : M. Bouchard, depuis qu’il n’est plus au Parti Québécois (par définition de centre-gauche), montre enfin ses vraies couleurs, qu’il n’aurait probablement jamais dû masquer, celles qu’il endossait du temps où il était au Parti Conservateur du Canada, celles d’un farouche partisan du néolibéralisme.
« Dans leur catéchisme radical, dit Pascal Bruckner, certains néolibéraux adoptent les travers du communisme, partagent la même volonté démiurgique de refonder l’Histoire à partir du mode de production, vivent le même drame intellectuel d’un concept qui se croit si sûr de sa vérité qu’il ne tolère aucune réfutation et foudroie ceux qui osent s’objecter. »
En disant au Québécois qu’ils ne travaillent pas assez, M. Bouchard, éloquent comme toujours, a fait la démonstration de son adhésion non seulement à la pensée néolibérale, mais encore qu’il se faisait le porte-parole de son aile radicale. Plutôt que de chercher pourquoi les Québécois travaillent moins que leurs voisins Ontariens ou Étasuniens (mais plus que les Français ou les Allemands), il se contente de les fustiger, il cherche à remettre en selle un mode de production qui perd peu à peu de son importance, tant financière que sociale. Le fait qu’il n’ait accepté aucune entrevue après cette sortie fracassante montre bien à quel point il ne tolère aucune réfutation de ses arguments. Seule différence avec les démiurges dont parle M. Bruckner, il ne se donne même pas la peine de foudroyer ceux qui osent s’objecter, il se contente de les ignorer dédaigneusement.

En fait, les Québécois n’ont peut-être tout simplement pas les valeurs que M. Bouchard voudrait qu’ils aient. Pour lui, le travail, l’enrichissement, l’augmentation des revenus et du capital sont des valeurs importantes, cela ne fait pas de doute. Mais sont-ce là des valeurs que partagent la majorité des Québécois? Je ne suis pas sociologue, je ne dispose pas de savants sondages, je ne suis même pas scientifique. Mais cela ne m’empêche pas de me poser la question relative aux valeurs et à leurs effets sur le travail. J’ai bien sûr ma petite idée à propos de quelques réponses mais elles ne sont basées que sur mes intuitions et sur quelques vérifications sommaires auprès de mes connaissances. Je me garderai bien de vous en faire part ici, de crainte de tomber dans le piège d’une généralisation outrancière. Mais ce qu’il importe de savoir, c’est qu’en dehors des valeurs des Workaholics et celles des tenants de la simplicité volontaire, il est peut-être un juste milieu vers lequel tendent les Québécois; la recherche d’un équilibre entre vie professionnelle, famille, culture et ces autres choses qui enrichissent la vie des gens. Après tout, tous n’ont pas la chance d’être président du Conseil d’administration de l'
Orchestre symphonique de Montréal.

M. Bouchard fait partie de ceux qu’il est convenu d’appeler les gens aisés. Est-il riche pour autant? Je l’ignore. Chose certaine, il n’est pas pauvre.
« Les riches ne sont pas simplement des pauvres qui ont réussi. Leur fortune les transforme qualitativement, les propulse dans une autre humanité avec ses mœurs, ses peuplades, son langage. […] Devenir riche s’apprend et ne demande pas moins d’assiduité que les mathématiques ou la musique. »
Bien que j’ignore la profondeur de la fortune de M. Bouchard, je ne peux que constater qu’il n’est plus ce petit gars de Saint-Coeur-de-Marie au Lac-Saint-Jean. Parce que s’il était encore ce petit gars, il serait plus modeste, moins arrogant. Pas qu’il soit honteux d’être né à Saint-Coeur-de-Marie, mais plutôt que dans ce village, comme dans bien d’autres, on travaille dur et on ne dépend bien souvent que d’une seule ressource, ou presque, quand ce n’est pas d’une seule industrie. Cette précarité (on le voit avec les récents événements dans l’industrie du bois) devrait rappeler à M. Bouchard que l’on peut devenir chômeur ou pauvre malgré soi.

Mais il faut saluer la clairvoyance de M. Bouchard. En effet, son rappel à l’ordre fait écho à « des conduites de déloyauté massives ». Les travailleurs on beau consentir d’importantes concessions salariales et de conditions de travail « sauver leurs industries »; les industries en question, lorsqu’elle ont repris du poil de la bête, ont beau ne pas revenir sur les concessions consenties et faire empocher les surplus aux actionnaires; il n’en demeure pas moins que l’on perçoit « des conduites de déloyauté massives ». Cette déloyauté ne se traduit pas par le développement d’une idéologie différente ou opposée au capitalisme, mais dans la contestation des valeurs de base du capitalisme. Ici, pas de révolution. Un simple refus d’adhésion suffit. Ce refus peut être individuel ou collectif (un corps d’emploi, une usine, une industrie) mais dès qu’il est présent, les chantres de l’économisme et du capitalisme y perçoivent une désaffection. Et malgré cette attente de loyauté, il ne faut pas oublier que
« Liberté est donnée à chacun de décider en son for intérieur de quels traquenards sociaux il se préserve, de quels faux éclat il est prêt à se passer. »
Quant aux travailleurs dépossédés à coup de concessions extorquées, qui tiennent à demeurer loyaux, il ne leur reste plus qu’à « travailler plus » pour survivre.

En fait, la question se pose, ne sommes-nous pas plutôt devant une évolution sociale, en fonction de laquelle les travailleurs en seraient rendus à préférer les temps libres au travail? Et pourquoi pas! Après des décennies de promesses de société des loisirs, de « Liberté 55 », de robotisation des tâches dangereuses, répétitives et abrutissantes, de développement du potentiel créatif et imaginatif de chacun ou même d’âge d’or, d’Eldorado et d’Eden pour les plus exaltés, est-il étonnant qu’aujourd’hui certains préfèrent regarder dans ces directions? Et cela sans compter sur l’exemple à ne pas suivre et l’effet d’entraînement des mises à la retraite massives, avec une généreuse prime de départ, comme celles qu’a mené M. Bouchard dans la fonction publique québécoise et qui se fait encore cruellement sentir, particulièrement dans le domaine de la santé.

Avec le développement sauvage du capitalisme, avec ses traités de libre-échange qui se traduisent plus souvent qu’autrement en délocalisation d’entreprises vers des pays où la main-d’œuvre est moins chère (entraînant des pertes d’emploi dans les pays plus riches et une diminution du PIB) ou encore, là où les conditions fiscales sont plus favorables (en favorisant l’évasion fiscale, c’est toute la collectivité que l’on spolie) ou bien, là où l’on est moins regardant quant aux normes environnementales à respecter (est-il besoin d’en rajouter sur le sujet?), s’est développé une résistance au capitalisme.
« Être “anticapitaliste”, c’est d’abord cesser d’être obsédé par le capitalisme, c’est penser à autre chose. Plutôt que d’être contre, pourquoi ne pas être à côté, se dérober? [C’est P. Bruckner qui souligne] L’on déserte en déplaçant les signes du luxe, du moins à titre individuel : le temps libre plutôt que les gros salaires, la méditation plutôt que la frénésie, la vie de l’esprit plutôt que la fièvre commerciale, les petites sociétés à la place du grand monde, la réclusion avec des amis de choix plutôt que la solitude dans la foule. Bref, le retrait savamment dosé, une contradiction lucidement acceptée : des niches de beauté, de silence, de culture, une subtile schizophrénie qui permet d’être dedans et dehors, de se déprendre sans s’éloigner, un exil intérieur. »
Peut-être est-ce dans cette voie que doit chercher M. Bouchard pour comprendre mieux ses concitoyens? Surtout les jeunes, ai-je envie de dire. Actuellement, au Québec, 35,4% des médecins sont des femmes et celles-ci sont largement prédominantes dans les groupes d’âge de 25 à 44 ans. Cette arrivée massive des femmes comme praticiennes dans la profession médicale changera les habitudes de pratique des médecins entre autres, en terme d’heures travaillées. La raison en est simple. Les jeunes femmes médecins sont loin d’être plus paresseuses que leurs confrères masculins ou plus âgés qu’elles. Elles auront tout simplement un autre profil de vie. Elles auront des enfants, prendront des congés de maternité, s’assureront d’agencer leurs horaires avec celui de la garderie ou de l’école, prendront plus de vacances, passeront plus de temps avec leur famille que leurs confrères masculins plus âgés ne le faisaient. Ce n’est pas qu’elles soient plus paresseuses, c’est qu’elles auront d’autres priorités que le travail. Elles ne négligeront pas leurs patients mais elles ne sacrifieront pas leur famille non plus. Cette attitude que l’on voit déjà poindre, va à l’encontre de l’injonction de M. Bouchard. Est-elle condamnable pour autant? Devra-t-on freiner, voire stopper les changements sociaux et socioprofessionnels engendrés par les luttes des dernières années et dont on commence à ressentir les effets?

Il est clair que pour M. Bouchard, chacun est responsable de sa richesse, comme si parfois la naissance n’y était pour rien, et chacun est responsable de sa misère, comme si la maladie ou le chômage étaient des dons du ciel appelés de tous leurs vœux par les pauvres.
« [Le pauvre] est le cancre qui persiste dans le dénuement, malgré les progrès, un reste qui encombre, un déchet que les plans sociaux ou les grandes institutions se renvoient année après année en se jurant de les éliminer. »
M. Bouchard, lui, préfère les insulter, leur donner des taloches et des coups de pied au …

Toutes les citations sont tirées de :
Bruckner, P. Misère de la prospérité : la religion marchande et ses ennemis, Paris, Grasset (Le Livre de Poche), 2002.

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26 octobre 2006

Lucien Bouchard, suite

Bonjour à tous et à toutes,

L’autre jour, je vous ai fait part de toute mon indignation face au soufflet que Lucien Bouchard avait asséné à tout un pan de la population du Québec. Depuis ce moment, je cherchais un moyen, quelque chose, n’importe quoi qui me permettrait d’aller au-delà de cette indignation. Une avenue, une idée, une approche, qui me permettrait de comprendre autre chose que ce qu’en disent les analystes de la scène politique; j’ai presque envie de dire quelque chose qui me permettrait d’aller plus loin. Je ne sais pas encore si je l’ai trouvé ou non, mais j’ai entendu parler d’un livre de Pascal Bruckner (auteur dont j’avais déjà entendu parler, dont j’ai déjà écouté des entrevues, mais que je n’ai pas encore eu le bonheur de lire) qui me semblerait aller dans ce sens. J’irai me l’acheter demain et vous tiendrai au courant de ce que j’y trouverai... si c’est pertinent et intéressant, bien sûr.

J’ai aussi lu dans Le Devoir qu’il s’apprête à sortir un nouveau bouquin : La tyrannie de la pénitence (en kiosque le 10 novembre). S’il est à l’image de ce qu’en laisse entendre l’article, ce sera certainement très intéressant. Je me demande toutefois, vu le sujet du livre et les développements concernant l'action étasunienne en Irak que Bush laisse miroiter à la veille des élections de mi-mandat, s’il saura rester d’actualité encore longtemps. Mais, comme je l’ai dit plus haut, je ne connais pas Bruckner. Donc, s’il va plus loin dans son analyse que le simple enchaînement des faits, s'il a des points de vues, des opinions et des approches originales, ce livre risque d’être fort intéressant également, peu importe l'évolution de la situation Irako-Étasunienne.

Quelqu’un connaît-il Bruckner? Quelle est votre opinion sur sa pensée? Croyez-vous que je trouverai des opinions et des raisonnements inédits susceptibles de faire avancer ma réflexion? Et de partager tout ça avec vous?

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19 octobre 2006

L’indécence de Lucien Bouchard

C’est tout moi, ça! Dix jours sans venir, et là, je viens m’adresser à vous deux jours de suite.

Vous avez certainement entendu notre cher ancien premier ministre, M. Bouchard, sortir allègrement de la réserve habituellement attendue de ceux qui ont quitté la politique active. Pour ça, il peut prendre exemple sur René Lévesque, Robert Bourassa, Jean Lesage, les deux frères Johnson, pour n’en nommer que quelques uns de l’histoire récente du Québec.

Dans sa grande lucidité, M. Bouchard a dit que les Québécois ne travaillent pas assez. Au début, ces paroles m’ont choquées. Je me suis demandé pour qui se prenait ce monsieur pour s’arroger le droit de semoncer le peuple québécois comme l’aurait fait un père sévère auprès de son enfant. Je trouvais ses propos méprisants.

Une fois le premier mouvement d’humeur passé, j’ai cherché à voir s’il n’y avait pas autre chose dans ces propos. J'ai essayé de voir plus loin que ma première réaction. Ce que j’en comprends c’est qu’il compare la productivité des travailleurs québécois et celles des autres nord-américains. Je ne suis pas de cette génération de jeunes à laquelle fait référence M. Bouchard. Je serais plutôt de celle de leurs parents. Et je m’insurge contre cette lecture que je considère comme simpliste d’une réalité à laquelle M. Bouchard semble étranger.

D’abord, commençons par mettre une chose au clair : les jeunes d’aujourd’hui ne sont ni plus ni moins travaillants que leurs parents ne l’étaient à leur âge. Je sais de quoi je parle! Vous vous souvenez des Hipppies et du Flower Power? Ils sont confrontés à des réalités différentes de celles que nous avons connues. Le travail à temps partiel, la précarité, le culte de l’excellence, les horaires atypiques et j’en passe. Et tout ça dans un contexte où rien n’est pensé en fonction de ces réalités. Les garderies ferment à six heures : tant pis pour les travailleurs de nuit, ceux de la restauration et les chauffeurs de taxi. Que dire des familles monoparentales où le parent fait des efforts incroyables pour parvenir à jouer son rôle de pourvoyeur, de père, de mère, d’éducateur... enfin, arriver à tout faire et à être partout? Et je pourrais continuer ainsi pendant longtemps, toutes ces réalités et ces revendications sont connues et pour toutes légitimes qu’elles soient, elles ont été mâchées et remâchées.

Une fois toute cette indignation passée, cette réalité posée et décrite, j’aimerais vous dire les étranges connexions qui me sont venues en lisant le Devoir d’hier (mercredi). En Une, on titre : « Bouchard s’invite à la rentrée parlementaire : Les statistiques sur la productivité sont-elles fiables? » Intéressant comme titre, me dis-je. Et je lis l’article. Intéressant. Sur la même Une, en en-tête, un bandeau vert qui court sur toute la largeur de la page où l’on peut lire : « Des Canadiens stressés et déprimés page A3 » Et je pense que ça aussi peut être intéressant. Mais je voyais encore les deux articles comme des éléments distincts n’ayant aucun rapport entre eux. À lire le traitement réservé à ces deux articles, j’ai pensé que les rédacteurs du Devoir avaient sensiblement la même perception que moi. Mais à bien y penser, leur quasi-juxtaposition n'était probablement pas innocente non plus.

Je commence donc par lire l’article sur Bouchard, qui se termine au dos du cahier. Je reviens ensuite à la page A3 pour entamer l’article suivant, comme je me l’étais dis. À l’intérieur, on lit : « Enquête de Statistique Canada, Stress et dépression guettent les Canadiens » et juste à côté, Manon Cornellier titre sa colonne « Chacun pour soi ». Il y a parfois de drôles de connexions qui se font dans ma tête. Je prends connaissance de choses ou d’informations qui n’ont rien à voir les unes avec les autres et voilà que vlan! Elles se télescopent, ce que Arthur Koestler appelle la « bissociation ».

Me voilà donc en plein « bissociage ». D’une part, M. Bouchard qui dit que nous ne travaillons pas assez. D’autre part, le stress et la dépression qui vont croissants (surtout à cause de la pression en milieu de travail, d’après ce que j’ai compris). Et enfin, le chacun pour soi que sous-tend les politiques sociales (ou les anti politiques sociales) du gouvernement Harper. Alors, voici que la table est mise et que je vous livre le fond de ma pensée. M. Bouchard, porte parole du patronat, membre de la classe des bien nantis (qui, d’année en année creuse l’écart entre elle et le bon peuple) applique une pression sur les travailleurs, et plus généralement sur la population ne faisant pas partie de leur cercle d’initiés, pour être bien sûr d’en tirer toute la « substantifique moelle » comme aurait dit Rabelais. Une fois vidés de leur substance, leurs réserves d’enthousiasme et d’énergie épuisées, les travailleurs tombent malades. Dépressions, burn-out et tutti quanti. C’est après ça que la philosophie sur laquelle se basent les conservateurs pour gouverner arrive : « chaque individu [est], au bout du compte, le seul responsable de son sort ».

Il aurait peut-être fallu lui répondre, à M. Bouchard, comme ça de but en blanc, en lui demandant ce que font les entreprises québécoises pour permettre ou à tout le moins aider les travailleurs à être plus productifs? C’est par la sous-traitance en Chine comme on le voit dans le textile et l’industrie de la mode? C’est l’impartition des centres d’appel, ou la création de succursales d’entreprises de haute technologie qui envoient leurs plus importants contrats vers l’Inde? C’est en vidant un pays de l’essentiel d'une de ses ressource comme l’a fait l’industrie du bois? C’est en gardant des usines désuètes plutôt que de les moderniser? Comment après ça ne pas s’indigner de ce ton paternaliste utilisé par M. Bouchard comme s’il était le seul détenteur de la vérité? Et pourquoi ne profite-t-il pas de sa tribune pour fustiger en même temps ces entreprises assistées sociales, financées à coup de millions par le gouvernement? Si elles ont tant besoin des deniers publics est-ce parce qu'elles sont si productives? Si efficaces?

Je me souviens! C’est la devise du Québec. On a malheureusement trop souvent tendance à l’oublier. Pour comprendre où M. Bouchard puise les fondements de son discours, il faut se souvenir de son parcours professionnel et politique. Il en dit long. Long sur son idéologie fondamentale et aussi sur, peut-être, son opportunisme. D'abord négociateur patronal réputé et redouté, il est ensuite devenu Ambassadeur du Canada en France. Puis ministre de l'Environnement dansle gouvernement Conservateur de M. Mulroney. Il crée ensuite le Bloc Québécois à Ottawa et devient en 1996, chef du Parti Québécois et, par voie de conséquence, Premier ministre du Québec jusqu'en 2001, moment où il retourne à la vie privée te reprend la pratique du droit.

Ce bref retour sur la carrière de M. Bouchard nous éclaire sur les valeurs qui l’ont guidées. Dans le discours qu’il nous a tenu cette semaine, je reconnais surtout les valeurs conservatrices que l’on a toujours reconnu dans les actions, les prises de positions et la philosophie qui l’a guidé. Un tel discours ne m’étonne donc guère venant de lui. Cela n’en fait pas moins un discours méprisant, basé sur une idéologie élitiste, déconnecté de la réalité d'une majorité de jeunes qui triment dur pour y arriver dans ce contexte difficile.
Amusons-nous et Imaginons un instant Bill Gates arrivant dans un favela brésilien ou un bidonville haïtien, là où les gens crèvent littéralement de faim entre rats et ordures. Imaginons-le leur disant : « Vous vivez comme ça? Tant pis pour vous, vous n’avez qu’à travailler! » La terre entière se révolterait, et avec raison. Mais cela ne risque pas d’arriver parce que si M. Gates est l’homme le plus riche du monde et qu’il est impitoyable en affaire, il a aussi de la décence. Il l’a souvent démontré. Et la décence, c’est ce qui semble manquer le plus à M. Bouchard dans toute cette affaire.

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18 octobre 2006

Le sourire de la Joconde

Voilà une dizaine de jours que je vous ai faussé compagnie. Si je vous suis infidèle ces jours-ci, c’est que ça brasse dans ma vie… professionnelle. Malgré tout, j’arrive à lire, un peu, pas assez, mais c’est déjà ça. Je voles une minute ici, un quart d’heure là, je mets à profit les voyages en bus, enfin, tout ce que je peux. Mais comme le livre en cours actuellement fait près de six cent pages, un peu ici et là, ça prend du temps pour passer à travers. Aujourd’hui, je voudrais vous citer un passage que j’ai trouvé à la fois très beau et très troublant. Pour vous mettre un peu dans le contexte, le livre en question s’intitule Le Roman de Léonard de Vinci. Mais comme le dit si bien le titre, c’est un roman. Cela permet des extrapolations, des projections et des licences qui ne seraient pas permises à un texte historique. C’est souvent pour le pire mais, de temps en temps, on y trouve une perle montée sur des chatons d’argent.

Bon, je m’égare. Le contexte : le narrateur de cet extrait, décrit une séance de pose de monna Lisa. Tantôt par une description objective de la scène, tantôt à travers les observations, les réflexions et les impressions de Giovanni Beltraffio, disciple de Léonard. Sauf à l'occasion de rares et courts dialogues, il ne nous donne jamais accès directement aux pensées et aux sentiments de Léonard ou de Monna Lisa.

Je ne pourrai pas partager toute la scène avec vous : elle fait à peu près huit pages. Néanmoins, j’espère pouvoir vous en rendre au moins l’atmosphère.

C’était par un beau jour, calme, doux, un peu brumeux, de la fin de printemps 1505. Le soleil était tamisé par les nuages et ses rayons tombaient en ombres tendres, fondantes, vaporeuses comme la fumée, l’éclairage favori de Léonard qui assurait qu’il donnait un charme particulier aux visages des femmes.
Il préparait l’atelier pour la recevoir. Giovanni Beltraffio l’observait à la dérobée et s’étonnait de l’émoi impatient du maître, si calme d’habitude.
Léonard […] ouvrit le jet d’eau installé au milieu de la cour [son atelier c’est la cour] pour la distraire; autour de cette fontaine poussaient ses fleurs favorites, des iris, que Léonard soignait lui-même. Il prépara également des petits carrés de pain pour la biche apprivoisée qui se promenait en liberté et qu’elle aimait nourrir de sa main […].
L’artiste invitait les meilleurs chanteurs, les poètes renommés, les gens d’esprit réputés, les jours de ses séances, afin d’éviter l’ennui d’une longue pose. Il étudiait sur son visage le reflet de ses pensées et des sentiments provoqués par les conversations, les vers et la musique. Par la suite, ces réunions devinrent plus rares. Il savait qu’elles n’étaient plus nécessaires, qu’elle ne s’ennuierait plus.
Tout était prêt et elle ne venait pas
Et Giovanni voyait d’instant en instant croître son impatience.
Tout à coup, une légère brise fit vaciller le jet d’eau, les iris frémirent, la biche dressa les oreilles. Léonard écouta. Et bien que Giovanni n’entendît encore rien, à l’expression de son visage il comprit que c’était elle.
D’abord, avec un humble salut, entra la sœur converse Camilla, qui vivait dans sa maison et chaque fois l’accompagnait à l’atelier de l’artiste […]. Suivant Camilla, entra celle que tous attendaient, une femme d’une trentaine d’années, vêtue d’une robe sombre très simple, la tête enveloppée dans une gaze transparente qui lui descendait à mi-front, monna Lisa del Gioconda.
L’élégante jeune femme était pour lui [son mari] l’ornement de sa maison. Mais il comprenait moins le charme de monna Lisa que les qualités d’une nouvelle race de bœufs, ou le bénéfice de l’octroi sur les peaux non tannées. […] on affirmait également qu’elle avait une foule d’adorateurs passionnés et obstinés, et désespérés. Cependant, les méchantes gens — et Florence n’en manquait pas — ne pouvaient rien insinuer de malveillant contre la Gioconda. Calme, modeste, pieuse, charitable aux pauvres, elle était bonne ménagère, épouse fidèle et très tendre pour sa belle-fille Dianora. [SVP les féministes épargnez-moi. On est en 1505, faudrait pas l'oublier]
C’était tout ce que savait d’elle Giovanni. Mais monna Lisa, celle qui venait dans l’atelier de Léonard, lui semblait une tout autre femme.
Durant ces trois années [Oui, il travaillait au tableau depuis trois ans] le temps n’avait pas transformé, mais au contraire, ancré ce sentiment; à chaque nouvelle visite, il éprouvait un étonnement côtoyant la peur, comme devant quelque chose de surnaturel, d’illusoire. Parfois il expliquait cette sensation par l’habitude qu’il avait de voir son visage sur le portrait, et si sublime était le talent du maître que la véritable monna Lisa lui semblait moins naturelle que celle reproduite sur la toile [la vraie mona Lisa a été peinte sur un paneau de bois (peuplier?)] . Mais il y avait, en outre, quelque chose de plus mystérieux.
Il savait que Léonard n’avait l’occasion de la voir que durant ses séances, en présence de nombreux étrangers, parfois seulement de sœur Camilla, et jamais seul à seule; et cependant, Giovanni sentait qu’il existait entre eux un secret qui les rapprochait et les séparait du reste du monde. Il savait également que ce n’était pas un secret d’amour, du moins l’amour tel qu’on le comprend ordinairement.
Il avait entendu dire par Léonard que tous les artistes étaient entraînés à transporter leurs propres traits et leur propre forme dans les portraits qu’ils peignaient. […] Ce qui se passait sous les yeux de Giovanni maintenant était plus surprenant encore : il lui semblait que non seulement le portrait, mais même monna Lisa elle-même devenait de plus en plus ressemblante à Léonard — comme cela arrive aux gens vivant continuellement et longtemps ensemble. Cependant la ressemblance n’existait pas dans les traits, mais spécialement dans les yeux et le sourire… Il se rappelait, non sans étonnement, qu’il avait vu ce même sourire chez saint Thomas sondant les plaies du Christ, statue de Verrocchio, auquel Léonard jeune avait servi de modèle […] et cent autres dessins du Vinci lorsqu’il ne connaissait pas encore monna Lisa, comme si durant toute son existence, dans toutes ses œuvres, il eût cherché à refléter sa beauté et son charme, trouvés enfin dans le visage de la Gioconda.
Par instants, quand Giovanni observait longtemps ce sourire commun, il en éprouvait un sentiment pénible, comme devant un miracle — la réalité lui paraissant un rêve et le rêve une réalité —, comme si monna Lisa n’était pas un être vivant, ni la femme de messer Giocondo, le plus ordinaire des homes, mais un être imaginaire, évoqué par la volonté du maître, le sosie féminin de Léonard.
Léonard commença son travail. Mais tout à coup il déposa son pinceau et fixa un regard scrutateur sur son modèle : pas une ombre, pas le plus petit changement n’échappaient à son observation. Giovanni remarqua également qu’elle ressemblait moins à son portrait que de coutume. […]
— Peut-être êtes-vous fatiguée et cela vous ennuie de poser? Murmura Vinci. Ne vaudrait-il pas mieux remettre à une autre fois?
— Non. Ne regretteriez-vous pas cette lumière? Regardez quelles ombres tendres, quel soleil moite : c’est mon jour! Je savais, continua-t-elle, que vous m’attendiez. Je serais venue plus tôt mais j’ai été retenue par madonna Safonizba…
— Je le pensais bien! Ce n’est pas la maladie de Dianora mais le bavardage de cette crécelle qui vous a indisposée. Comme c’est étrange! Avez-vous remarqué, madonna, que parfois une absurdité quelconque que nous entendons de gens qui nous sont indifférents et qui ne nous intéressent guère suffit pour assombrir notre âme et nous impressionner plus qu’une peine personnelle?
Elle inclina silencieusement la tête : il était visible que depuis longtemps ils étaient habitués à se comprendre presque sans mots, par une allusion, par un regard.
Il essaya de reprendre son travail.
— Racontez-moi quelque chose, dit monna Lisa.
— Quoi?
Après un instant de réflexion, elle répondit :
Le Royaume de Vénus
Léonard fit un signe, et lorsqu’Andrea Salaino [violiste] et Atalante [luthiste] eurent exécuté le motif qui servait invariablement de modèle au Royaume de Vénus, il commença de sa voix féminine son récit [Léonard ne s’exprime par sa voix féminine que dans des moments particuliers], telle une vieille fable ou une berceuse.
[Ici, l’histoire du Royaume de Vénus]
Il se tut; les sons de la viole et du luth expirèrent et le silence qui suivit était plus doux que tous les sons. Comme bercée par la musique, séparée de la réalité pure, étrangère à tout, sauf à la volonté de Léonard, monna Lisa plongeait ses yeux dans les siens avec un sourire plein de mystère, pareil à l’onde calme et pure, mais si profond qu’on ne pouvait en s’y plongeant en voir le fond — le sourire même de Léonard.
Et il semblait à Giovanni que maintenant Léonard et monna Lisa étaient deux miroirs qui, se reflétant l’un dans l’autre, s’absorbaient à l’infini.

Alors, quelqu’un veut jouer au petit Freud? Faites-vous plaisir! On peut faire plein de commentaires! Et en plus, il y a largement assez de matière! À vous!

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07 octobre 2006

La rage d’écrire 3 : « La compétition ou le risque de disparaître »

Je viens de relire l’article précédent portant sur « donner de la voix dans le tumulte ». À la fin, je disais que je pensais m’être laissé un peu emporté. Quel euphémisme! J’ai carrément dérapé, oui! Bon, si vous voyez que je recommence, faudra me le dire, ok? Alors voilà, puisque je vous avais promis cette troisième partie, la voici, je m’exécute. Mais après, j’essaierai d’être plus léger… beaucoup plus léger et changer un peu de sujet. La littérature et la communication c’est beau et c’est grand, mais y’a pas que ça dans la vie. Alors, en attendant… allons-y!

Reprenons, pour nous rafraîchir la mémoire, toute la citation de M. Nyssen qui a donné naissance à ces trois articles.

Les aveux indiscrets plaisent aujourd’hui plus que les bonheurs d’écriture. […] Mais dans le déferlement de tels mélos et strip-teases […] dans l’ivresse autofictionnelle […] je vous conseille d’abord d’être attentive, mademoiselle Esperluette [la lectrice imaginaire du livre] à une rage épidémique : la rage d’écrire par rage d’exister, un besoin de donner de la voix dans le tumulte où l’on pourrait n’être pas entendu, dans une compétition où l’on risque de disparaître.

(Hubert Nyssen, Lira bien qui lira le dernier, p.24)

Voilà! Maintenant qu’on est revenus dans le bain et que le contexte est replacé, on peut se demander en quoi consiste au juste la compétition à laquelle fait allusion M. Nyssen. Pour avoir lu le reste de son livre (j’ai pris un peu d’avance), je sais qu’il parle surtout de la multiplication des publications disons… traditionnelles, bien qu’il n’exclue et n’occulte pas le phénomène Internet. Mais il porte son attention d’abord et avant tout sur le monde de l’édition traditionnelle, celui des maisons d’éditions qui reçoivent des manuscrits, les habillent, les commercialisent, les mettent en marché.

M. Nyssen constate et s’alarme du nombre trop élevé de publications qui noient le lecteur et lui rendent difficile, voire impossible, la tâche de distinguer facilement ce qu’il aime (peu importe le genre ou le style) de ce qu’il n’aime pas. Voilà pour le livre et la littérature. Il serait bien malaisé de critiquer ces propos après le record de titres publiés pour « la rentré » de cette année en France (663 nouveautés dont 442 en français et 221 traduites, une augmentation de 15 % sur le record de l'an dernier). Cette pléthore, relève à la fois de la caverne d’Ali Baba regorgeant de trésors et du labyrinthe d’où l’on ne sort pas, faute de fil d’Ariane. Plus un lecteur, aussi averti soit-il, non plus qu’un critique, un libraire, ou personne ne parvient à se faire une idée d’ensemble de ce qui se publie. Sans une maligne complicité du hasard, ou d’une campagne publicitaire particulièrement bien menée et agressive, presque aucun nouvel auteur ne peut émerger du lot. Et ceux qui émergent le doivent souvent plus au personnage médiatique qu’ils se sont créés qu’à la qualité de leur œuvre. Pour M. Nyssen, la compétition effrénée que se livrent aujourd’hui les titres pour atteindre le top des palmarès des libraires, n’est qu'un des moyens utilisés par les maisons d’édition pour atteindre la rentabilité et satisfaire l’appétit des actionnaires. Pour cette raison, les titres doivent se vendre le plus possibles dans le plus court laps de temps possible puisqu’un livre n’a plus de réelle durée de vie (commerciale, s’entend). Tout au plus quelques mois après sa parution, sauf si, par hasard ou par chance il s’est démarqué du lot, le titre est retiré des rayons pour faire place à un autre qui n’y restera peut-être pas plus longtemps.

Avant, on installait un livre, un auteur, au fil des ans. Cela relevait du marathon. Maintenant sortir un nouveau livre, même pour un auteur chevronné, revient à participer au cent mètres. La course ne dure que quelques secondes et le gagnant ne se démarque des autres que par quelques millièmes. Et ce sont ces précieux millièmes qui couronnent « l’homme le plus rapide du monde ». C’est un peu la même chose pour un livre. Il doit faire des ventes, de grosses ventes et vite! Pour cela, il doit gagner son cent mètres et atteindre le premier rang du palmarès des ventes et, du coup, reléguer tous les autres au second plan, même si le second n’a que quelques dizaines d’exemplaires de différence. Pour ce deuxième, ce sera la vieille histoire du médaillé d’argent, reconnu et adulé pendant quelques semaines, au mieux quelques mois, et qu’ensuite on oubliera pour ne retenir que le nom du médaillé d’or, le nom de « l’homme le plus rapide du monde ».

Pour résumer tout cela, le monde de l’édition ressemble de plus en plus à une jungle où la finance est reine et le marketing, général en chef. Tous savent, c’est devenu un lieu commun, qu’il en va de même sur Internet. Une guerre féroce règne entre les principaux portails, des batailles épiques font rage entre plusieurs sites, des commerces naissent et meurent aussi vite que seul Internet permet de le faire. Cette compétition effrénée n’échappe à personne qui navigue un peu et exerce son sens de l’observation et son sens critique.

Mais Internet, ce n’est pas qu’un champ de bataille. Il vaut la peine de faire ressortir quelques exceptions notables dont, entre autres, les blogues personnels. S’il en est certain pour les auteurs desquels il importe de rejoindre le plus grand nombre de lecteurs possibles, il en est une multitude d’autres à qui quelques lecteurs ou abonnés suffisent. La compétition est féroce sur Internet entend-on dire souvent. À mon avis, cela peut être aussi vrai que faux. C’est le plus souvent une question d’attentes d’ambition et aussi, quelques fois, de gros sous.

Lorsque les grands portails et les sites commerciaux se doivent de tout faire en leur pouvoir pour satisfaire le sacro-saint NASDAQ; et lorsque certains blogueurs ne mesurent la qualité de ce qu’ils font (ou pire, ce qu’il sont) qu’à l’aune du nombre de leurs lecteurs ou de leurs abonnés, ils doivent, oui, ressentir une pression énorme et vivre dans un monde plus que hautement compétitif. Alors soit on se soumet au diktat des « hits », soit on utilise Internet pour s’exprimer, pour communiquer avec ce lecteur inconnu, voire fictif que Gérard Genette nommait le « narrataire ».

Et il y a ceux qui, sans grandes attentes, considèrent avant tout Internet, que ce soit sous les formes des blogues, des galeries de photo, des sites personnels, thématiques ou familiaux, comme un moyen de diffusion de l’expression de leur personnalité, de leur individualité, de leurs intérêts ou de leur créativité. Ceux-là ne ressentent pas beaucoup de pression, j’en suis convaincu. Peut-être ont-ils hâte d’avoir des lecteurs. Peut-être aussi sont-ils un peu anxieux à l’idée de dévoiler une partie d’eux-mêmes. Peut-être s'inquiètent-il aussi de ne plus contrôler cette part révélée d’eux-même, offerte à tout venant, à la critique et aux commentaires de chacun. Pour ceux-là, il n’y a probablement pas de réelle compétition. Pour ceux-là, leur présence sur Internet c'est surtout de la vulnérabilité, des sentiments et des émotions.

Dans les faits, Il y a probablement presque autant de raisons de se livrer en tout ou en partie sur Internet qu’il y a de personnes qui le font. Mais au-delà des modèles et des raisons, il n’y a que très peu de manières de se dévoiler et Internet n'a pas permis d'en inventer aucune nouvelle. Ce qu'internet a apporté de neuf, c'est le support, le moyen de diffusion, la capacité de faire passer l'écrit intime de la sphère privée à la sphère publique.

J’aimerais commencer ma conclusion en revenant en arrière, en reparlant du tumulte, le sujet manqué du deuxième article de ce triptyque car, vous vous en doutez bien, il y a un lien direct à faire entre cet article et les deux précédents.

Maintenant que mon exercice de réflexion (qui n’est certainement pas assez approfondi pour certains mais à qui je laisserai le soins de palier à mes limites, les commentaires sont les bienvenus) sur « la compétition au risque de disparaître » touche à sa fin, je comprends pourquoi j’ai dérapé dans le second article. C’est que « le tumulte où l’on pourrait n’être pas entendu » ne va pas sans la « compétition où l’on risque de disparaître ». Ces deux membres de la citation initiale font la paire. Mais l'astucieux Hubert Nyssen les a antéposés, et je m'y suis laissé prendre. C’est la compétition qui engendre le tumulte et c’est disparaître qui empêche d’être entendu. C’est la compétition qui peut faire disparaître et c’est le tumulte qui peut empêcher d’être entendu. Une fois les propos de M. Nyssen ainsi posés (les philosophes me feront remarquer que la proposition est posée de travers. Je m'en doute, mais moi, à tort ou à raison, c'est comme ça que je comprends les choses), me permettent de comprendre, c’est que ceux qui participent à la compétition (ce n’est pas tout le monde, on l’a vu) se doivent de « donner de la voix » ou de crier assez fort pour dominer le tumulte sinon le concert (ou la cacophonie) des voix qui constituent le tumulte dominera la leur et les avalera dans son gouffre sombre (ce qui est peut-être pire que disparaître tout court quant on adhère à une dynamique comme celle-là).

Quant à « la rage d’écrire par rage d’exister », dont traitait le premier article, je pense qu’elle ne correspond qu’à une forme moderne (et, il est vrai, particulièrement répandue) de la rage d’expression des hommes, qui a toujours prévalue et qui s’exprime depuis ce premier Homo Sapiens qui a inventé l’art rupestre en peignant un cerf sur la paroi de sa caverne. Alors que les époques succédaient aux ères et aux âges, modes et techniques se développaient et se multipliaient. Cette rage d’écrire n’est que le moyen moderne de satisfaire le besoin atavique d’exprimer l’individualité, de nommer et de représenter ce monde dans lequel l’homme essaie de survivre et tente d’évoluer.

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